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Interdiction de fumer : la fin de l’exception autrichienne

Par La rédaction,
le 11 novembre 2019
Christian Fillitz, correspondant à Vienne

Depuis le 1er novembre une nouvelle loi interdit strictement de fumer dans les cafés et restaurants en Autriche. Jusqu’ici la législation était extrêmement permissive : s’il était interdit de fumer dans les bâtiments publics, les restaurateurs ayant un établissement d’une taille inférieure à 50 m2 pouvaient décider s’ils étaient fumeurs ou non fumeurs. Au-delà, les espaces fumeur et non fumeur devaient être séparés.

Tout cela appartient désormais au passé, et le retour de pendule est sévère. Les législateurs ont tout prévu pour éviter la moindre exception : ainsi les hôtels ont certes le droit de disposer d’un fumoir, mais toute autre consommation – même un verre d’eau ! – y est interdite, même si le fumeur l’a apportée lui-même. Pour cette raison un grand hôtel viennois a déjà fermé son salon fumeurs pour une question de rentabilité.

La nouvelle loi sonne aussi le glas pour les clubs privés d’amateurs de cigares. Aux yeux des législateurs ils permettraient de contourner la loi. Dans leurs statuts tous les clubs et associations doivent définir leur objectif, comme par exemple « cultiver la dégustation du cigare ». Un objectif désormais illégal. Il faudra donc tricher, comme nous l’ont affirmé les animateurs de tels clubs, dont l’objectif affiché sera désormais « un lieu de réflexion sur la protection des abeilles » ou « d’encourager la création artistique », par exemple, en organisant des réunions privées où l’on pourrait fumer. Perspective réaliste ou illusion ?

Plusieurs équipes d’avocats seraient déjà à la recherche de failles dans la nouvelle loi, dont les mailles sont pourtant étroites. Ainsi comme on a le droit de fumer dans les bureaux de tabac, des petits malins ont envisagé d’ouvrir des bureaux de tabac pour les transformer en fumoirs ! Or il est difficile, d’une part, d’obtenir une licence pour un tel bureau, et d’autre part, le plaisir est gâché du fait que comme pour tout autre fumoir, il est interdit d’y consommer autre chose que du tabac.

Certains clubs de fumeurs seraient dores et déjà « entrés en résistance », organisant des réunions clandestines comme aux meilleurs temps de la prohibition aux Etats-Unis…

Un des arguments en faveur de la nouvelle loi était de protéger le personnel dans les cafés et restaurants, obligés de travailler dans des salles enfumées. Un argument que réfute vivement un vendeur de cigares : « Dans ma boutique on a le droit de fumer, or j’ai un employé. Qu’en est-il pour lui ? L’argument devrait être valable pour lui aussi, non ? Absurde ! »

Des allers-retours depuis 4 ans

En 2015 le gouvernement de coalition entre sociaux–démocrates (SPÖ) et conservateurs (ÖVP) avait décidé une interdiction de fumer dans les lieux publics, restaurants, cafés et bars, une loi qui devait entrer en vigueur trois ans plus tard, en mai 2018. Or entre-temps le gouvernement a changé et la nouvelle coalition que le chancelier conservateur Sebastian Kurz avait formée avec le parti d’extrême droite FPÖ a aboli purement et simplement cette loi, le FPÖ, avec son dirigeant de l’époque Heinz-Christian Strache, un gros fumeur, s’étant présenté comme défenseur des fumeurs de tout calibre.

Or les opposants au tabac restaient mobilisés : en octobre 2018 plus de 880 000 autrichiens (10% de la population) signèrent une pétition lancée par l’Ordre des Médecins et des associations de lutte contre le cancer en faveur de l’interdiction de fumer dans les restaurants et les bars. L’initiative fut pourtant rejetée par la confortable majorité ÖVP/FPÖ au parlement.

Mais en mai dernier coup de théâtre : le gouvernement ÖVP-FPÖ tombe. En attendant le nouveau gouvernement issu des législatives de septembre, l’Autriche est gouvernée par des hauts fonctionnaires et des techniciens, et de nouvelles alliances se créent au parlement. La nouvelle loi anti-tabac sera votée avec les voix du ÖVP, seule l’extrême -droite votera contre