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Le monde du cigare français face au coronavirus

Par La rédaction,
le 20 mars 2020

Achats de précaution, réseau de débitants désorganisé, commerciaux contraints au télétravail… Comment les acteurs du cigare en France s’organisent aux premiers jours du confinement.

Le communiqué de Logista est tombé jeudi 19 mars. En raisons des perturbations liées aux mesures de confinement, en particulier de l’absentéisme grandissant de ses salariés, le groupe qui gère la distribution des cigares pour de nombreuses marques est contraint de réduire la fréquence de ses livraisons, notamment de supprimer les réassorts d’urgence.

Entre les problèmes logistiques, les commerciaux qui doivent travailler à la maison et les civettes partiellement ou totalement fermées, le monde du cigare français doit s’adapter lui aussi à la situation inédite que traverse la France.

Entre deux conférences par Skype avec ses commerciaux, Christophe Payan, directeur commercial cigares premiums de STG (Don Tomas, CAO, Macanudo) répond à notre appel depuis sa terrasse marseillaise. « Ce confinement à domicile permet de tester de nouveaux cigares, ironise-t-il. On a organisé en interne un challenge de selfies-cigares pour motiver les troupes ». L’ensemble de la société est passée en télétravail. « Les quatre commerciaux pour le cigare fait mains travaillent depuis chez eux, explique-t-il. On maintient le contact avec les buralistes même si, pour beaucoup, les cigares ne sont pas la priorité ; ils ont été dévalisés de leurs cigarettes le week-end dernier » en raison des achats de précaution. « On essaie de ne pas trop leur mettre la pression non plus, car ils sont stressés et la période est anxiogène », ajoute-t-il.

Dans les grosses civettes, les achats de surstockage ont également fonctionné à plein sur les cigares, comme l’explique à L’Amateur Cyril Pelletier, propriétaire d’Art Tabac (Paris XIVè arrdt) : « Les gens ont flippé et fait des provisions, comme dans les supermarchés. Ca se calme un peu depuis le milieu de la semaine. Pour l’instant, il n’y a pas de problèmes d’approvisionnement sur les havanes, mais il y a des problèmes à prévoir sur d’autres marques comme Macanudo ou Balmoral ». Geneviève Barrachon, directrice marketing de Coprova, importateur français des havanes et de Vega Fina confirme que sa société, qui a ses propres entrepôts et son propre système de distribution, continue à livrer. Les équipes ont été réorganisées avec un système de rotation pour pouvoir continuer à honorer toutes les commandes. 

Maya Selva (Flor de Selva, Cumpay, Villa Zamorano) note aussi des achats de précaution, en particulier sur les fagôts – « c’est l’économie de guerre », dit-elle. Mais pour le reste, « il y a une grosse chute des commandes ».

En effet, même si, à l’image des commerces alimentaires, les débitants de tabac ont le droit de rester ouverts, certains ont dû réduire leurs horaires d’ouverture voire ont fait le choix de fermer boutique, soit par manque de personnel, soit parce que leur établissement fait à la fois bar et tabac, soit encore parce qu’il est situé dans un centre commercial qui est fermé. Maya Selva estime qu’un point de vente sur cinq ne fonctionne plus. « 30% de fermeture », évalue de son côté Christophe Payan. « Le réseau des buralistes va souffrir », reconnaît Maya Selva

Aucun problème de stock

La baisse des commandes de cigares faits main est aussi notable chez Oliva-J.Cortès. « Mais on commence à voir de plus en plus de photos de cigares ou de selfies sur les réseaux sociaux, tempère Olivier Plouviez, directeur commercial pour la France, qui nous répond « entre deux réunions de crise au téléphone ». Le point crucial, selon lui, va être la météo. Les ventes de cigarillos et encore plus de cigares sont déjà, en temps normal, très sensibles à la météo. « L’autre point crucial dans les jours qui viennent, conclut-il, ça va être, pour le consommateur final, la capacité à s’approvisionner ».

Le stock n’est un problème pour personne à l’heure actuelle. « Je n’ai pas d’inquiétude de ce côté-là, rassure Maya Selva, j’ai un an de stock de cigares ». Même chose du côté de Coprova : les livraisons en provenance de Cuba continuent d’arriver. Mais pour les havanes comme pour STG ou Flor de Selva, le calendrier des nouveautés prévues pour les semaines et les mois qui viennent va être inévitablement revu. De son côté, Oliva-J.Cortès, a environ deux mois de stock en Belgique, et dispose aussi de la possibilité de se faire approvisionner directement par la manufacture du Nicaragua qui, pour l’heure, continue de fonctionner. Ce n’est pas le cas des installations de Maya Selva au Honduras, puisque le gouvernement de Tegucigalpa a décidé mardi 17 de fermer toutes les administrations et entreprises pour prévenir la propagation du Covid-19. « Tout a été fermé du jour au lendemain, confirme Maya Selva. Et là, c’est vraiment le souk car il n’y a pas d’Etat-providence ; les gens qui ne travaillent pas ne sont pas payés ».

 

Laurent Mimouni (avec Annie Lorenzo)