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La loi sur l’interdiction de fumer en Autriche ne sera pas appliquée

Par supercigare,
le 17 avril 2018

L’Autriche vient de renoncer à la loi qui prévoyait l’interdiction totale de fumer dans les bars et les restaurants. Le pays fait figure d’exception dans une Europe anti-tabac.

Par Christian Fillitz, correspondant à Vienne

Il n’y aura pas d’interdiction totale de fumer en Autriche. La loi qui devait entrer en vigueur le 1ermai prochain ne sera pas appliquée. Ainsi en a décidé le nouveau gouvernement de coalition formé par les conservateurs ÖVP du jeune chancelier Sebastian Kurz et l’extrême droite FPÖ de Heinz-Christian Strache.

On peut donc continuer de fumer dans les bars et les restaurants. Jusqu’à maintenant, tout établissement de plus de 50 m2devait disposer d’un espace fumeurs. Les négociateurs de la nouvelle coalition ont décidé de porter cette limite à 75 m2. Les restaurants et débits de boissons d’une superficie inférieure peuvent eux choisir d’être fumeurs ou non.

Parallèlement, la protection des mineurs est renforcée : le tabac sera interdit aux moins de dix-huit ans, contre seize ans aujourd’hui. Les jeunes n’auront pas droit de séjour dans les espaces fumeurs et il sera enfin interdit de fumer en voiture en présence de mineurs.


C’est H.-C. Strache (Heinz-Christian), comme il se fait appeler, le patron de l’extrême droite, un grand fumeur de cigarettes assumé, qui a imposé cette nouvelle réglementation face aux réticences du chancelier Sebastian Kurz, trente et un ans, un non-fumeur qui clame haut et fort ne boire ni alcool ni café. Et contre l’avis de la nouvelle ministre de la Santé, Beate Hartinger-Klein, du FPÖ. « Je ne peux pas, en tant que ministre de la Santé, m’identifier à cette mesure, mais je respecte une décision majoritaire, c’est ça, la démocratie ! » a-t-elle déclaré. Pour Strache, la cigarette est un symbole de la liberté de choix et il s’est réjoui d’une « solution remarquable, dans l’intérêt des non-fumeurs, des fumeurs et des restaurateurs ».

La nouvelle législation est, en effet, accueillie favorablement par la majorité des restaurateurs, qui sont nombreux à avoir déjà investi des sommes importantes dans des espaces fumeurs souvent délimités par des parois en verre, conformément à une loi anti-tabac de 2009 qui l’exigeait sous peine d’une amende pouvant aller jusqu’à 10 000 euros. Lorsque le gouvernement précédent – une coalition entre sociaux-démocrates et conservateurs – a décidé au printemps 2015 l’interdiction totale de fumer à partir de 2018, nombre d’entre eux se sont sentis grugés : leurs investissements s’avéraient inutiles.

En revanche, la nouvelle loi a suscité une levée de boucliers dans les milieux médicaux et politiques. « Les dispositions de protection des mineurs sont de la rigolade ! s’insurge Robert Pirker, médecin à l’hôpital général de Vienne. Qui va contrôler si on fume dans une voiture où il y a des enfants ? »

La chambre fédérale des médecins a donc organisé une consultation populaire, procédure qui prévoit qu’au-delà de 100 000 signatures, le sujet doit être débattu au Parlement, ce qui a été fait le 22 mars. Mais l’actuelle coalition dispose d’une confortable majorité, et le parlement a naturellement rejeté la proposition de l’opposition.

Selon un récent sondage, les Autrichiens seraient à 70 % en faveur d’une interdiction totale de fumer dans les bars et restaurants de la République alpine. Mais, d’après Eurostat, ils comptent parmi les plus gros fumeurs européens : 30 % grillent régulièrement leurs cigarettes (contre 28,3 % en France).

Une liberté toute relative pour le cigare

La décision du nouveau gouvernement a donc relancé le débat, même si certains amateurs de tabac n’applaudissent qu’en sourdine cet assouplissement de la loi voté par l’extrême droite. Et au quotidien, la cohabitation entre fumeurs et non-fumeurs n’est pas sans problèmes : on ne compte plus les cas de harcèlement de restaurateurs par les militants anti-tabac. « J’en ai marre des ces talibans qui déposent plainte lorsque, pendant le service, la porte qui sépare les espaces fumeurs et non-fumeurs reste entrouverte. Chaque fois je dois engager un avocat pour me défendre ! Et ça me coûte cher, très cher ! » déplore Ivo, le patron du restaurant Theater Café à Vienne. Excédé, il a déclaré son établissement non-fumeur. Il avait déjà dû fermer son cigar lounge, certains clients se disant importunés par l’odeur des cigares…

En effet, il reste difficile de déguster tranquillement un cigare. Au café Engländer, haut lieu des intellos et artistes de tout genre dans le centre-ville de Vienne, les gros calibres ont été rigoureusement interdits, tout juste y tolère-t-on des cigarillos. « L’odeur des cigares est plus difficile à éliminer et on a eu des clients qui se sont plaints ! » explique le patron, pourtant un amateur…