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Un palace à La Havane, nouvelle stratégie pour le tourisme cubain

Par supercigare,
le 18 septembre 2018

Un palace dirigé par un Français vient d’ouvrir au cœur de la ville. Un contraste criant avec le niveau de vie des habitants mais peut-être aussi le signe d’une nouvelle direction pour l’économie du pays ?

Le Manzana de Gómez était l’une des belles endormies du centre historique de La Havane. Aujourd’hui, après de longs travaux, il est devenu le Gran Hotel Manzana Kempinski. Et c’est un Français, Xavier Destribats, qui dirige désormais ce luxueux palace doté de 246 chambres dont 50 suites.

Comment êtes-vous arrivé à la tête de cet hotel de luxe en plein cœur de la ville ?

Un jour, le président du groupe Kempinski m’a convoqué : « Nous avons des problèmes pour finaliser les accords concernant notre palace à Cuba. Il faudrait que tu y ailles. ». Après d’âpres négociations et le contrat signé, la direction m’annonçait « Maintenant c’est à toi d’ouvrir l’hôtel ! Tu abandonnes ta tranquillité, tes motos, et tu recommences à zéro, tu vas perdre 10 kilos… Et tu vas nous détester ! »

Avez-vous vraiment fini par détester vos patrons ?

J’ai formé quatre cents personnes, piqué quelques crises de nerfs, mais je n’ai perdu que 7 kilos. Pour me détendre, j’allais fumer un cigare au Parque Central, l’hôtel d’en face, à l’heure du déjeuner.

La Havane est-elle entrée dans l’ère du luxe ?

Absolument. Preuve en est par exemple que la ville accueille désormais des enseignes comme Montblanc, Versace ou Lacoste. Et deux autres hôtels 5 étoiles vont ouvrir sur le Prado

 « Les Américains rechignaient à venir, car l’offre hôtelière ne leur convenait pas. Depuis notre ouverture, ils représentent 20 % de notre clientèle. »

Cette politique va-t-elle changer la physionomie de la clientèle de La Havane ?

Beaucoup d’Américains rechignaient à venir ici, car l’offre hôtelière ne leur convenait pas. Cela a changé et ils représentent maintenant 20 % de notre clientèle. Suivent de près les Français.

Assurer un niveau de prestations élevé dans une ville qui connaît parfois des difficultés d’approvisionnement, est-ce compliqué ?

Il faut bien connaître les marchés. C’est notre politique. Et je vais aller plus loin en créant mon propre potager sur le toit de l’hôtel. J’ai rencontré des agriculteurs locaux partants pour planter des choses inconnues ici, comme les poireaux, par exemple – je vais apporter des graines…

Socialement, le fossé n’est pas trop grand entre le luxe et la main-d’œuvre cubaine ?

Pour l’instant, j’ai obtenu une hausse de 10 % côté salaires et le partage des pourboires pour tous les employés. Je les finance grâce à une taxe spéciale sur les prestations de l’hôtel. Résultat : les salaires peuvent doubler, ce qui n’est pas rien ici.

Depuis quand pratiquez-vous le cigare ?

Je m’y suis mis il y a vingt-huit ans. Depuis que je vis à La Havane, mes exigences ont bondi (rires) : avant, un Montecristo N° 4 me contentait largement ; aujourd’hui, j’aime les Behike 52 et 54, les Wide Churchills de Romeo y Julieta, et j’adore les Por Larrañaga, que j’ai découverts ici. C’est une marque dont les Anglais sont très friands – il faut toujours les écouter, ce sont de fins connaisseurs…

Propos recueillis par Jean-Pierre Saccani