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ALERTE – Chen Zhi, actionnaire d’Habanos S.A., est en fuite

Par La rédaction,
le 17 octobre 2025

L’homme d’affaires cambodgien d’origine chinoise, est accusé par les autorités américaines d’escroqueries massives. Une enquête de routine de l’administration suédoise a confirmé son rôle-clé dans Habanos S.A., via un réseau complexe de sociétés offshore.

 

Washington et Londres ont annoncé, le 15 octobre, leur décision de prendre des sanctions et de geler certaines des activités de Chen Zhi, fondateur de l’un des plus importants et influents conglomérats du royaume du Cambodge… et actionnaire de Habanos S.A.

L’homme d’affaires cambodgien est accusé d’être à la tête d’un immense réseau d’escroqueries dites au « pig butchering », consistant à gagner la confiance de personnes via des messageries électroniques, puis de les manipuler pour les inciter à investir dans de faux placements en cryptomonnaies, ou à leur verser directement de l’argent. Il n’a pas été interpellé et est recherché et donc en fuite, selon les enquêteurs américains. S’il est reconnu coupable, il risque jusqu’à 40 ans de prison. Les autorités américaines ont d’ores et déjà saisi 15 milliards de dollars d’avoirs en crypto-monnaie – la plus grosse saisie jamais réalisée à ce jour.

 

Chen Zhi, un homme d’affaires influent

Agé de 38 ans, Chen Zhi qui est d’origine chinoise mais possède de multiples nationalités (Cambodgien depuis 2014 il dispose aussi d’un passeport du Vanuatu et d’un autre de Chypre) n’est pas un inconnu pour les aficionados et les lecteurs attentifs de L’Amateur (voir notre hors-série « Les 30 personnalités qui comptent », L’Amateur, n° 167).

Ces dernières années, son nom était régulièrement cité comme étant l’un des investisseurs asiatiques qui ont racheté, en 2020, les 50 % du capital d’Habanos S.A. auparavant détenus par Imperial Tobacco. Sans confirmation officielle, son implication restait de l’ordre de la spéculation. Mais une simple enquête administrative menée en Suède ces derniers mois confirme qu’il est, grâce à une cascade de sociétés offshore, l’un des principaux actionnaires d’Allied Cigar Corporation S.L.U., actionnaire de la moitié d’Habanos S.A.

 

Une cascade d’entreprises qui aboutissent à Habanos S.A.

Tout est en effet décrit noir sur blanc dans un organigramme transmis à l’administration de Göteborg par Habanos Nordic AB, le distributeur local des cigares cubains. Selon cet organigramme, Chen Zhi détient en effet à 100 % d’une société nommée Simply Advance Ltd, inscrite dans les Îles Vierges britanniques. Celle-ci contrôle elle-même 57,10 % d’une autre structure, Allied Cigar Fund L.P, enregistrée cette fois aux îles Caïman.

Allied Cigar Fund L.P chapeaute à son tour entièrement une troisième structure, Supreme Trading International Ltd, située dans les Îles Vierges Britanniques. Celle-ci administre Asia Uni Corporation Ltd, enregistrée à Hong Kong et qui contrôle Allied Cigar Corporation S.L.U, propriétaire à 50 % d’Habanos S.A. Bouclant ainsi la boucle.

Si ces toutes informations jusqu’alors jamais rendues publiques se sont retrouvées sur le bureau d’un fonctionnaire suédois, c’est avant tout le fruit d’un enchaînement de hasards. Tout commence début 2025 quand l’administration suédoise est notifiée d’un changement de dirigeants d’Habanos Nordic AB, le distributeur des cigares cubain pour la Suède et une partie de l’Europe du Nord : le « PDG externe » (une spécificité du droit suédois des affaires) quitte son poste sans être remplacé. Une partie de ses fonctions reviennent automatiquement au président du conseil d’administration tandis qu’est nommé un contact officiel, sans rôle exécutif, pour recevoir les notifications légales pour l’entreprise.

 

Un enchaînement de surprises lors d’une enquête de routine

La loi suédoise est formelle. La probité de ces dirigeants et responsables doit donner lieu à une enquête dont le résultat détermine si l’entreprise peut continuer son activité. En s’attelant à cette enquête de routine, les fonctionnaires suédois vont enchaîner les surprises. Tout d’abord, ils découvrent que le président du conseil d’administration est en poste depuis 2023. Et que, comme ce changement ne leur a pas été signalé à l’époque, ils doivent approfondir leur enquête. Ils s’aperçoivent alors que, depuis l’été 2023, trois personnes non-résidentes en Suède sont désignées comme actionnaires d’Altabana S.L., la structure qui contrôle Habanos Nordic AB. Ils sont donc les “véritables propriétaires” de cette dernière : il s’agit de deux Cubains qui ne contrôlent chacun pas plus de 25 % du capital et de Chen Zhi qui lui contrôle entre 25 et 50 % de l’entreprise.

L’administration, qui doit systématiquement vérifier la probité des personnes, actionnaires ou dirigeantes considérées comme « influentes » dans la marche d’une société, demande plus d’explications à Habanos Nordic AB. Et notamment un registre détaillé des actionnaires de la société et de toutes les sociétés mères jusqu’à ce que les personnes physiques apparaissent clairement. Faute de pouvoir fournir un tel registre, le distributeur se voit demander de produire une esquisse d’organigramme de l’ensemble du groupe. Et c’est ce document, transmis par Habanos Nordic AB qui permet finalement d’étaler au grand jour le rôle de Chen Zhi dans Habanos S.A. Un homme qui est aujourd’hui recherché par les autorités américaines.

 

Régis Besko