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Hervé Di Rosa : pendant le confinement, « que du cubain traditionnel ! »

Par La rédaction,
le 8 mai 2020

Homme du Sud, né à Sète, Hervé Di Rosa est l’un des membres du courant « figuration libre », qui a renouvelé le monde de la peinture dans les années 1980. Ses oeuvres, protéiformes et polymorphes, ont intégré l’univers de la rue, de la musique, de la BD, avec humour. Il est aussi le cofondateur du Musée international des arts modestes (MIAM), installé dans sa bonne ville de Sète.

Hyperactif, Hervé Di Rosa est aussi un hédoniste, aficionado éclairé de beaux havanes, qu’il déguste volontiers avec quelque spiritueux. Depuis son atelier lisboète, il a bien voulu répondre aux questions de L’Amateur.

Hervé Di Rosa, où êtes-vous confiné ? Comment cela se passe-t-il pour vous ?
Je suis confiné dans la maison que j’occupe avec ma famille dans les environs de Lisbonne. Je n’ai pas à me plaindre : je suis au milieu de la campagne, pas loin de l’océan ! Je viens au Portugal depuis quelques années pour apprendre et réaliser des céramiques dans la fabrique historique La Viuva Lamego.

Qu’est-ce qui a changé pour vous ?
Pas grand-chose, car un peintre est souvent confiné dans son atelier. J’ai la chance d’avoir mon atelier chez moi, de l’espace et ma famille. Mes voyages à Paris et ailleurs pour le travail ne me manquent pas trop. Je dirais même que j’ai pris de nouvelles habitudes, et, peut-être cela va être dur de reprendre l’avion souvent. J’ai l’impression de me recentrer sur l’essentiel, c’est à dire peindre et dessiner.

Le Portugal s’est retrouvé relativement épargné par la pandémie, notamment par rapport à son voisin espagnol. Comment expliquez-vous cela ? Quelle est l’ambiance à Lisbonne ?
Il n’y a eu « que » 1000 morts au Portugal pour l’instant. Le confinement a été réalisé très tôt. De plus, à part des grandes villes comme Lisbonne et Porto, le Portugal n’est pas très densément peuplé. La campagne est très peu peuplée. Les Portugais sont très disciplinés, ils n’ont pas eu besoin ni d’autorisations de police, ni d’amendes. Tout le monde est bien resté chez soi. Les marchés et supermarchés sont très bien organisés. Lundi [4 mai], les principaux commerces ont rouvert, et lundi prochain [11 mai], réouverture des restaurants. Les Portugais prennent beaucoup de précautions : ici, tout le monde est conscient de la faiblesse du système hospitalier, détruit en partie par les coupes budgétaires des années 2010, imposées par l’Europe. Le tourisme représentait une grande part de l’économie portugaise, et j’ai bien peur qu’une grave crise économique ne dévaste le pays, déjà fragile, dans un proche avenir.

Comment le cigare vous accompagne-t-il dans cette période inouïe ? Que fumez-vous ? Aviez-vous des réserves, ou vous approvisionnez-vous sur place ? Y a-t-il de belles civettes à Lisbonne ?
Cette année, je n’ai fumé que des Cohiba Siglo I ou Siglo II et des Montecristo. Uniquement du cubain traditionnel ! Je m’approvisionne dans un très bon magasin, La casa cubana, situé dans la zone commerciale Ammoreiras, qui est resté ouvert et très accessible. Donc pas de souci. Mais j’avais aussi fait quelques provisions ! J’ai la chance d’avoir un grand jardin, où je peux fumer comme bon me semble, sans ennuyer ma famille ! Et il fait beau.

Aviez-vous des projets qui ont été reportés ou annulés à cause de la crise ?
Oui, il y a eu d’abord Art Paris, qui à été repoussé, puis annulé. Je devais y faire un solo show. Et d’autres projets d’expositions cet été ou à la rentrée, reportés sans date, ou annulés, c’est pas folichon !

Smoking Cigar Submarine Club, acrylique sur toile, 113 x 207 cm, 2019 (Photo : Pierre Schwartz)

Les musées vont-ils rouvrir ?
Je préside le Musée international des arts modestes (MIAM) à Sète, et on travaille avec les services municipaux pour ouvrir le plus vite possible, dans des conditions correctes. Mais tout ça, les expositions, les foires, salons, etc. va être compliqué dans un futur immédiat. Les choses vont devoir changer – en bien ou en mal je ne sais pas !

Vous dont l’art est très ancré dans le réel, le coronavirus pourrait-il vous inspirer des dessins, des tableaux ?
Je me suis toujours intéressé à la biologie et aux sciences naturelles. Surtout à l’imagerie vue au microscope et aux coupes anatomiques. Donc virus et bactéries se retrouvent régulièrement dans mes peintures, aujourd’hui plus que jamais ! Je participe depuis plus d’un an à un projet avec l’Institut Pasteur, qui lie la création contemporaine et les recherches biologiques. Un travail passionnant, qui m’a permis de rencontrer des chercheurs formidables. C’est pour ça que, les connaissant, je suis assez optimiste pour l’avenir, la trouvaille d’un vaccin ou d’un remède !

« L’après » sera-t-il comme « l’avant » ? Et si, finalement, l’art tout entier devenait « modeste » ?
Je ne sais que vous dire. J’ai bien peur que l’après soit comme l’avant, mais en pire ! De toute façon, l’avenir du MIAM et de l’art modeste est en réflexion depuis quelques temps. Ce qui est sûr, c’est qu’il va falloir changer les points de vue, changer les matériaux, il va falloir inventer plus que jamais. Le MIAM et l’art modeste ont été créés pour ça : anticiper les formes, les idées et la création, tel est mon travail ! L’art modeste ne cherche pas à s’imposer, il propose une alternative, un autre point de vue, plus sensible que le marché de l’art et les lourdeurs de l’institution.

Quand comptez-vous rentrer en France ? Qu’est-ce qui vous manque et que vous ferez aussitôt que nous seront « libérés » ?
J’ai bien peur de ne plus avoir envie de sortir de mon atelier et de ma maison.

Propos recueillis par Jean-Claude Perrier
(Photo : Victoire Di Rosa)

Nous vous proposons également de (re)lire le Grand Entretien que nous avait accordé Hervé Di Rosa en novembre 2014 (ADC n°104, lien ci-dessous) :

Di Rosa ADC 104.pdf