« Oui, il y a un goût Room 101 »
C’était l’un des événements de l’été : le lancement de la marque Room 101 en France. Pour l’occasion, le créateur du label Matt Booth avait fait le déplacement à Paris. Il s’est confié à L’Amateur.
Racontez-nous comment vous êtes passé de la joaillerie à l’industrie du cigare ?
Dès mes débuts dans le monde des marques, je suis tombé profondément amoureux de la marque anglaise Alfred Dunhill. J’étais fasciné, et je le suis toujours, par cette marque. J’adore l’idée d’une offre lifestyle complète et multi-catégories sous un même label. Quand j’ai développé ma propre marque, je me suis dit que je voulais aller vers ce concept de collection cohérente d’articles, mais réalisés à ma façon, avec ma touche personnelle. J’ai commencé à créer des bijoux peu après avoir quitté les Marines en 2000. Aujourd’hui encore, nous fabriquons nos bijoux dans le centre-ville de Los Angeles, dans le quartier des bijoutiers, là où j’ai moulé mes premières pièces il y a plus de 20 ans. L’idée était de m’étendre à d’autres catégories qui me tenaient à cœur : les cigares et l’autre les spiritueux artisanaux. Je n’avais aucune idée de la manière dont j’allais mettre en œuvre ces projets. Je n’avais aucun point d’entrée dans ces secteurs, ni par mes amis ni par ma famille. Franchement, c’était un rêve.
Vous étiez fumeur de cigares ?
Oui, mais par la suite mes habitudes de fumeur ont radicalement changé. J’ai commencé à fumer le cigare dans le cadre de mon activité. Nous organisions alors des rassemblements en marge de défilés de mode aux Etats-Unis. L’équipe de Camacho Cigars a participé à l’une de nos soirées en tant que sponsor. Le courant est immédiatement passé avec eux, nous sommes devenus amis très rapidement. J’ai commencé à m’intéresser au cigare, nous sommes restés en contact et je me suis renseigné. J’étais intéressé par la création d’une collection d’accessoires pour fumeurs, mais à condition que ce soit en lien direct avec les cigares. De nombreuses marques de luxe de Los Angeles proposaient en effet des accessoires liés au tabac, mais uniquement à destination des fumeurs de cigarettes (étuis à cigarettes, boîtiers pour briquets BIC, etc.). En tant qu’amateur de cigares et considérant que les cigares sont ma façon d’apprécier le tabac, je voulais autre chose. J’ai donc demandé à être présenté à un artisan capable de me fabriquer un humidor. C’est suite à cette série de conversations que le directeur marketing de Camacho m’a demandé si je serais intéressé par une collaboration avec eux sur un projet. J’ai accepté. Deux semaines plus tard, je prenais l’avion pour le Honduras pour la première fois afin de visiter une manufacture. C’est ainsi que tout a commencé. C’était en 2008. Et en 2009, nous avons lancé le premier cigare.
Matt Booth lors de son passage à Paris en mai 2025.
Le grand tournant dans votre carrière a été la vente à STG ?
Le rachat de ma marque de cigares par STG est assurément l’un des moments forts de notre parcours. Au départ, STG cherchait à revitaliser certaines de ses marques, à savoir les versions américaines de Sancho Panza et Los Statos Deluxe. J’ai travaillé sur ce projet avec l’un de leurs collaborateurs, Justin Andrews, un ami de longue date. J’ai fourni toute la création et j’ai collaboré avec Justin pour revoir les assemblages. L’un des points forts de cette collaboration a été leur grande équité envers moi. Compte tenu de la nature de la relation de travail et de la dimension internationale de cette entreprise, je les ai trouvés étrangement humains, ce qui m’a fait bonne impression. J’ai apporté ma touche personnelle à ces deux marques sous-exploitées. Cela a changé la vie de ces labels sur le marché et nous avons commencé à discuter d’autres sujets. Et les choses se sont faites de fil en aiguille.
Room 101 n’est pas le type d’entreprise que STG a l’habitude d’acquérir. Elle est très petite comparée par exemple à Agio-Balmoral. Selon vous, qu’est-ce qui les a intéressés dans votre marque ?
Vu de l’extérieur, en effet, cela ne ressemble pas à leurs autres acquisitions. Le rachat d’Agio visait à étendre la présence de STG sur certains marchés, à permettre à l’entreprise de mieux distribuer ses produits, etc. Avec Room 101, je pense tout simplement qu’ils ont acquis quelque chose qu’ils n’étaient pas capables de faire seuls. Nous nous sommes mis d’accord sur le point le plus important à mes yeux : la préservation des valeurs de la marque et des relations avec les fabriques. Nous produisons dans des manufactures spécifiques, car chaque “cuisine” offre un goût très différent. J’étais convaincu que notre marque était à un stade de développement où il était crucial pour moi de rester un acteur clé afin de la protéger, tout en développant notre expansion mondiale. Ils partageaient cette vision et cela a généré une certaine confiance. C’est ainsi que j’ai décidé que vendre Room 101 à STG était la meilleure solution pour notre marque.
Vous proposez de nombreux labels avec différents assemblages, mais ils ne sont pas tous disponibles en France. Pouvez-vous décrire l’esprit de chaque marque ?
Nous lançons la marque Room 101 non seulement en France mais dans plusieurs pays d’Europe. Nous avons choisi de commencer avec trois labels, car je pense qu’ensemble, ils offrent une expérience très complète, cohérente, mais différente et complémentaire. D’abord la marque qui me tient le plus à cœur Johnny Tobacconaut, qui est probablement l’un de mes cigares préférés, si ce n’est mon préféré ; les cigares sont fabriqués chez AJ Fernandez. Et ensuite deux mélanges du label La Farce : l’expression habano [appelée Original sur le marché français, ndlr], fabriquée chez William Ventura en République dominicaine et l’expression Nicaragua dont les cigares sont roulés par Joya de Nicaragua.
Y a-t-il un goût Room 101 ?
Oui, il y a un goût de Room 101, celui de l’adaptation respectueuse de la tradition. Johnny Tobacconaut en est un exemple : il est composé uniquement de tripes nicaraguayennes et d’une cape équatorienne Connecticut. Il se veut doux et équilibré. Mais il dégage de la puissance grâce aux feuilles de tripes nicaraguayennes. C’est un mélange unique. Il offre d’excellentes épices blanches et une puissance remarquable grâce à son côté rétro, mais en bouche, il dégage une certaine crème et sophistication, avec une touche d’élégance. La Farce [Original] est plus doux en bouche, mais légèrement nicotiné, et est de loin l’un de nos mélanges les plus sophistiqués. Il est composé de six feuilles différentes. Et à ce jour, je pense que c’est l’une de nos créations les plus uniques ; elle occupe une place particulière dans mon cœur, car c’était mon premier projet indépendant en 2017. La Farce Nicaragua reflète parfaitement le terroir nicaraguayen et la “patte” Joya. Tous ces mélanges n’auraient jamais pu voir le jour sans ma participation, notamment grâce à ma collaboration avec les assembleurs. Il ne s’agit pas d’un simple exercice consistant à se rendre dans une manufacture et à demander à quelqu’un de poser une bague sur des produits préexistants. Au fil des ans, j’ai travaillé dur et investi beaucoup de moi-même pour acquérir les compétences nécessaires pour participer au processus de création, et tous ces projets ont le goût de cette collaboration.
C’est toujours vous qui avez encore le dernier mot sur les assemblages ?
Oui.
Ca faisait partie du deal avec STG ?
Je pense que c’est en partie ce qui fait que tout fonctionne.
Propos recueillis par Laurent Mimouni
Photos : © Billy the Kid
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