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Quand Facebook accouche d’un cigare

Par supercigare,
le 20 mars 2017

Sans bouger de leur Suisse natale, deux amateurs ont lancé Izambar, un cigare qu’ils ont créé de A à Z et fait rouler au Nicaragua.

 Par Laurent Mimouni

C’est l’histoire de deux Suisses amateurs de cigare à l’heure d’Internet. En découvrant les cigares Izambar, lancés il y a quelques mois, on s’attendait à l’un de ces habituels récits ponctués de nombreux allers-retours entre les Caraïbes et l’Europe, de souvenirs de longues heures passées dans les ateliers de roulage et de discussions avec les maîtres-assembleurs pour trouver le blend parfait. En fait, l’histoire d’Edmond (il ne se fait appeler que par son prénom) et d’Antonio Urecht est la démonstration qu’on peut désormais faire fabriquer des cigares personnalisés – et destinés à être commercialisés – sans bouger de son fauteuil.

De la passion commune aux projets

La rencontre entre les deux hommes donne le ton : ils font d’abord connaissance sur Facebook… avant de découvrir qu’ils habitent à quelques kilomètres l’un de l’autre, sur les bords du lac Léman. Au fil de discussions sur leur passion commune, Edmond, designer d’intérieur, auteur du blog “Les cigares selon Edmond”, et Antonio, qui travaille dans la finance à Genève, décident de tenter une aventure dans le monde du cigare, mais sans savoir encore laquelle. Ils étudient d’abord la possibilité de lancer un site Internet de vente – ce qui est autorisé en Suisse, contrairement à la France. Mais le projet est abandonné et les deux hommes se reportent sur un autre, pas forcément plus aisé : lancer leur propre cigare, créer une vitole de A à Z et la commercialiser.

Trouver une fabrique

“Nous avons d’abord identifié le Nicaragua comme le terroir le plus conforme à nos goûts, raconte Antonio. Puis nous avons contacté par mail une dizaine de fabriques. Cinq nous ont répondu – la plupart négativement – et une seule nous a fait une proposition conforme à notre cahier des charges.” Il s’agit d’une toute petite fabrique de dix salariés qui ne produit que 100 000 cigares par an. Antonio et Edmond n’en diront pas plus… si ce n’est qu’elle est dirigée par des Franco-Suisses – ce qui va grandement faciliter la suite des aventures de nos deux hommes qui ne parlent pas un mot d’espagnol.

Skype, WhatsApp et Facebook

La suite, ce sont de multiples discussions par Skype et WhatsApp (messagerie en ligne), et des envois d’échantillons par la poste. “La fabrique nous a fait parvenir plusieurs échantillons, qu’il fallait aller dédouaner au port franc de Genève”, se souvient Antonio. Les deux hommes font part de leurs remarques – le premier mélange était par exemple trop poivré à leur goût – puis la fabrique envoie de nouvelles vitoles-tests. Après un an d’allers-retours, les deux hommes et leur fabrique trouvent le bon assemblage : une tripe Estelí Jalapa recouverte d’une sous-cape Jalapa et d’une cape Équateur. Pour la taille, ils optent pour un module à la mode, le toro ou gros robusto (21,4 × 158 mm). Les boîtes sont fabriquées au Nicaragua mais les bagues sont faites en Suisse puis expédiées sur place.

“Plus besoin d’aller passer trois ans dans les Caraïbes”

“Aujourd’hui, plus besoin d’aller passer trois ans dans les Caraïbes comme l’avait fait Zino Davidoff à son époque, note Edmond. Le fait de ne pas partir sur place nous a aussi permis de fumer les échantillons ici, dans les conditions proches de celles que connaîtront nos futurs clients. Quand on arrive là-bas, surtout la première fois, tous les cigares peuvent paraître splendides, exceptionnels… puis une fois rapportés en Europe, on se rend compte qu’ils sont quelconques.” La première commande porte sur environ cinq mille vitoles, réceptionnées en Suisse par Antonio qui les sort de leurs boîtes pour les faire vieillir plusieurs mois en cave, avant de les remettre en boîtes pour les commercialiser.

Les règles pour la vente de tabac étant beaucoup moins strictes dans leur pays qu’en France, les deux hommes démarchent ensuite les civettes suisses une par une jusqu’à constituer, aujourd’hui, un réseau de plus d’une quinzaine de revendeurs. Ils envisagent aussi une commercialisation en France, mais la réglementation ne leur facilite pas la tâche. Et ils travaillent déjà à un deuxième module, plus petit et avec une liga différente. Mais pour celui-là, disent-ils en chœur, ils prévoient “d’aller sur place”.