Drew Estate Fire Cured

Kentucky Fire Cured : des cigares séchés au feu de bois !

Par supercigare,
le 20 septembre 2017

Drew Estate tenterait-il de relancer la mode des cigares aromatisés ? Ce procédé naturel qui inclut un séchage des feuilles au feu de bois donnerait aux vitoles des arômes particulièrement séduisants de tourbe et de fumé. Découverte et secret de fabrication

 Par Helie Valat

Il y a deux ans, lors de notre première rencontre avec Jonathan Drew, le fondateur de la marque Drew Estate nous invitait déjà à déguster ses cigares au goût tourbé : « Puis-je vous suggérer d’essayer également les Kentucky Fire Cured ? Ils sont tellement bons ! J’insiste : tellement bons… Fumés, tourbés… Ces cigares sont un don du ciel » .

Des feuilles oubliées dans la cuisine

Le séchage du tabac par le feu a été découvert accidentellement il y a deux cents ans au Kentucky par un pionnier qui avait oublié des feuilles fraîchement coupées dans une pièce située au-dessus de sa cuisine. Lorsqu’ils ont pris conscience du potentiel du goût fumé et tourbé que procurait un tel séchage, les fermiers du Kentucky et de Virginie en ont fait une spécialité pour leurs tabacs à pipes, à priser et à chiquer. Et c’est lors d’une visite en République dominicaine, dans les entrepôts de tabacs d’Universal Leaf, que Jonathan Drew a eu l’idée d’appliquer ce processus à l’univers des cigares premium.

Echange de capes

« Je m’en souviens comme si c’était hier, raconte-t-il. Fritz Bossert, Steve Saka [respectivement PDG d’Universal Leaf et ancien président – CEO – de Drew Estate, parti en juillet 2013, ndlr] et moi-même fumions des Liga Privada T52 dans l’espace réservé à la fermentation des feuilles quand je remarquai un pilón de tabac “Kentucky Fire Cured”. Nous avons alors ôté la cape de nos T52 pour la remplacer par une fine feuille de KFC : les arômes étaient formidables ! »

Après deux ans passés à régler les problèmes de combustion et à équilibrer la liga de ces vitoles particulières, le processus de fabrication était lancé. Sous une cape mexicaine et une sous-cape nicaraguayenne, la tripe est constituée de feuilles du Nicaragua et – innovation – de feuilles américaines de Virginie et du Kentucky séchées au feu.

Séchage à feu doux…

Le séchage de ces feuilles américaines nécessite des infrastructures spécifiques avec des séchoirs construits en métal. Les responsables du fumage, munis de masques, surveillent la combustion lente, s’étalant sur plusieurs jours, et veillent à laisser les foyers s’éteindre naturellement.

Nicholas Melillo, qui a supervisé la combustion et le tirage des nouveaux cigares, détaille l’opération : « Un premier séchage-fumage est réalisé à feu doux entre 35 et 45 °C. Puis, dès que les feuilles commencent à prendre une couleur brun foncé, nous montons la température aux alentours des 50 °C, afin d’obscurcir encore et de fumer complètement toutes les nervures des feuilles. Une fois la nervure séchée, nous réduisons la température et augmentons le volume de fumée avec de la sciure pour traiter les feuilles. » Lorsque du petit bois – chêne, noyer, érable – brûle sous les feuilles de tabac, celui-ci sèche en se chargeant des arômes dégagés par la combustion et incorpore les caractéristiques des essences utilisées. D’où ces arômes fumés qui, selon Nicolas Melillo, ne sont pas sans rappeler le whisky écossais. « Quand vous humez la fumée d’un KFC, vous ne pouvez pas vous tromper ! » ajoute-t-il. Le tabac obtenu est ensuite fermenté dans la manufacture Joya de Nicaragua, à Estelí. L’objectif affiché par Drew Estate est de produire 227 tonnes de ce tabac « fumé » chaque année.

Bien qu’il connaisse le peu d’appétence des aficionados européens pour les cigares aromatisés, Jonathan Drew mise sur le goût unique de ces nouvelles vitoles, dont il est sûr qu’elles séduiront les amateurs de whisky. Au risque de dérouter les aficionados, le rude boy gringo d’Estelí qui inventa il y a dix ans les cigares « infusés » Acid, continue à aimer les paris… « L’arôme des KFC évoque des nuances d’érable, de chêne ou de bois torréfié : on ne peut qu’adorer ! » exulte-t-il.