Hedon, un cigare français au goût de luxe
Les puros 100 % français Navarre se nomment désormais Hedon après une montée en gamme risquée mais totalement assumée par les nouveaux propriétaires. Reportage dans la fabrique, au cœur du Béarn.
Laurent Mimouni
Ce qui frappe tout de suite, quand on entre dans la minuscule et bien paisible manufacture de Navarrenx, c’est son odeur si caractéristique : des senteurs de miel et de cuir qui vous transportent immédiatement dans les « galères » de Cuba ou de Saint-Domingue. On est pourtant en plein cœur du Vieux Continent, dans ce grand Sud-Ouest qui constitue depuis des siècles le cœur de la culture du tabac en France. La plante est arrivée des Amériques via l’Espagne voisine. Il n’y a d’ailleurs que quelques dizaines de kilomètres à faire de l’autre côté de la frontière espagnole pour apercevoir des séchoirs à tabac au milieu des champs.
« Aujourd’hui, nous sommes prêts à revenir sur le marché français », lance en guise d’accueil Cecilia Conte, gérante de Hedon Cigares et épouse du très discret propriétaire, Renato Angiolillo, un homme d’affaires italien résidant en Suisse. « Mais nous sommes clairement sur un marché de niche, nous ne sommes pas sur un cigare à 8 euros », ajoute-t-elle, alors que s’activent, à quelques mètres, une écôteuse française et un duo cubain composé d’une rouleuse et d’un rouleur. La troisième rouleuse est en congés ce jour-là. La fabrique emploie, en tout et pour tout, sept personnes.
De main en main
Fondée en 2005 par Noël Labourdette, Bruno Delport et Sam Bernett, trois aventuriers du cigare hexagonal auxquels les actuels propriétaires ne manquent jamais de rendre hommage – « Ce pays a eu de la chance d’avoir des fous qui se sont jetés dans un projet comme ça ! » –, la fabrique de Navarrenx est reprise une première fois en 2010 par Thierry Frontère, patron de presse à la retraite. C’est lui qui a construit la petite notoriété de la marque Navarre chez les amateurs français, mais il a fini par passer la main aux Italiens en juin 2016, quelques semaines avant de décéder.
Cette reprise a engendré une période de flottement comme la petite fabrique n’en avait jamais connu – d’autant que les nouveaux propriétaires n’ont pas toujours su dissiper les inquiétudes (voir L’Amateur de Cigare, n° 116). Cette époque semble révolue…
« Nous avons repositionné la marque, explique aujourd’hui Cecilia Conte. Les prix étaient trop bas pour un produit d’exception comme le nôtre. » « Produire un cigare en France coûte entre vingt et quarante-cinq fois plus cher qu’en Amérique centrale », renchérit son époux pour justifier que les prix aient été quasiment multipliés par deux lors de la transformation de Navarre en Hedon. Il est vrai aussi que le produit n’est plus du tout le même et que les nouveaux propriétaires se sont lancés dans une démarche de montée en qualité. Avec les tabaculteurs auxquels ils achètent les feuilles séchées avant de les faire fermenter dans leurs installations de Navarrenx, ils travaillent à réduire au maximum le niveau d’engrais – même si la législation anti-tabac française leur interdira, quoi qu’ils fassent, de prétendre au label « bio »… La liga a été entièrement revue, bien que la base soit toujours la même, à savoir du tabac brun, celui-là même qui a fait les riches heures des Gauloises, mais évidemment travaillé de manière différente. Des essais de culture de tabac noir cubain en France il y a quelques années s’étaient révélés peu convaincants.
L’étendard bleu-blanc-rouge
Pour couronner tous ces changements, la marque a changé de nom : « Hedon » a été jugé plus évocateur pour la clientèle internationale et/ou très haut de gamme qui est désormais la cible affichée. Et malgré, là aussi, une législation très contraignante, les repreneurs sont parvenus à faire en sorte que l’origine française soit clairement identifiable avec des boîtes qui portent la mention « France » et des cigares qui arborent un discret mais tout de même bien visible drapeau bleu-blanc-rouge sur le pied.
La contrepartie de cette montée en gamme, c’est que beaucoup de buralistes ont renoncé à vendre ces cigares français à cause de leurs prix, nettement au-dessus de la moyenne. La marque cherche donc à cibler davantage sa distribution (civettes de grandes villes et de quartiers chics), voire à passer par un réseau « parallèle » constitué par exemple de fumoirs de palaces ou de tables étoilées – bref, des lieux qui soient en mesure de « valoriser le terroir et le produit », comme le dit Cecilia Conte. Et où l’on trouve un public pour lequel le prix n’est pas un critère de choix. « On ne cherche pas à devenir les leaders, explique le propriétaire, mais à continuer l’histoire.
Visite possible de la manufacture sur rendez-vous (20 euros), place des Casernes, à Navarrenx (64190). Renseignements au 05 59 66 51 96.
Les six modules Hedon
Brillant (panatela), 113 × 11,26 mm, 16 €
Éclatant (short robusto), 105 × 19,8 mm, 21 €
Rêveur (robusto), 124 × 19,84 mm, 25 €
Flâneur (corona gorda), 143 × 18,26 mm, 27 €
Savant (grand robusto), 150 × 20,64 mm, 29 €
Légendaire (double corona), 230 × 19,84 mm, 39 €
Vous devriez aimer aussi
Etats-Unis : le business des cigares présidentiels
Jean-Marc Souvira lauréat du prix Cigares et Littérature 2024
Le H. Upmann Magnum Finite EL 2024 lancé à Madrid
Le cigare du moment : Macanudo Emissary España Robusto
Cuba : objectif, 40 % de surfaces plantées supplémentaires dans la Vuelta Abajo
Numéro en cours
Havanoscope 2025
Toute l'actualité du cigare directement chez vous