L’heureux hasard de Daniel Marshall
Cet Américain, qui a découvert le cigare en retapant son bateau, a longtemps été fabricant de caves pour Dunhill. Lancé dans la production de cigares il y a vingt ans, il débarque aujourd’hui en France avec la gamme Red Label.
Par Guillaume Renouard
Rien ne destinait Daniel Marshall à devenir l’un des grands noms du cigare. « Enfant, mon rêve était de posséder un bateau et de faire le tour du monde ! » se remémore-t-il. Obsédé par cette idée, le jeune garçon, originaire d’une famille de la classe moyenne de Malibu, dévore les livres consacrés à l’univers marin et travaille après l’école afin de financer son projet. À dix-huit ans, fraîchement sorti du lycée, il rassemble ses économies pour s’acheter un bateau d’occasion, qu’il retape intégralement chez lui. Un jour, sa fiancée l’invite à une réception chez ses grands-parents, dans une grande demeure située juste à côté de celle des Reagan.
C’est au grand-père de la jeune femme, affectueusement surnommé Papa Joe, que Daniel Marshall doit sa vocation. Amusé par son projet un peu fou, il lui propose de lui prêter de l’argent pour l’aider à terminer son projet. Touché par cette proposition, le jeune Daniel décide de lui faire un cadeau. Connaissant l’amour du vieil homme pour les cigares, il emploie ses talents d’ébéniste, acquis en travaillant sur le bateau, à lui confectionner une cave en bois. Les choses auraient pu s’arrêter là. Cependant, impressionné par la qualité du travail de Daniel, Papa Joe lui suggère de prendre contact avec Dunhill, sa marque favorite, pour leur proposer ses services.
De Papa Joe à Manuel Quesada
Ni une ni deux, il s’envole pour New York, où il parvient à obtenir un rendez-vous avec un cadre de l’entreprise. Enthousiasmé par la boîte à cigares de fort belle facture que lui apporte ce jeune homme au look de surfeur californien et en quête d’un fournisseur américain pour fabriquer des humidors, celui-ci lui fait une proposition. Bien qu’il n’y connaisse pas grand-chose, Daniel Marshall rentre en Californie et, avec l’aide de Papa Joe, créé sa propre marque, monte sa manufacture et commence à fabriquer des humidors haut de gamme.
Nous sommes alors en 1982. Daniel Marshall va travailler avec Dunhill, qui lui achète 80 % de sa production, durant quinze ans. Mais en 1996, souhaitant dissocier son image de l’univers du tabac, Dunhill met un terme à leur contrat. Heureusement, l’ébéniste a eu le temps de se faire un nom dans le milieu. Pour rebondir, il commence à collaborer avec le magazine Cigar Aficionado. Ensemble, ils lancent les événements Big Smoke : rassemblant les amateurs autour de séminaires, discussions et, bien sûr, dégustations, ils sont bientôt organisés à travers toute l’Amérique. « C’était l’âge d’or du cigare, le marché était en plein boom. J’ai alors commencé à rencontrer tous les grands noms : Guillermo León, Carlos Fuente, Manuel Quesada… »
C’est avec ce dernier que Daniel Marshall s’associe pour lancer les premiers cigares commercialisés sous sa marque. Ce sera d’abord le Daniel Marshall Black Label, lancé en 1996, une ligne confectionnée en République dominicaine, dans la fabrique de Manuel Quesada. Fort de ce premier succès, il enchaîne l’année suivante avec une autre vitole, le White Label.
Un cigare en… or
En 2003, direction le Nicaragua, où Daniel Marshall lance la production de sa troisième gamme, Red Label, fabriquée par Plasensia à Estelí. La tripe, la cape et la sous-cape sont composées de feuilles nicaraguayennes cultivées à Jalapa et Estelí, vieillies cinq ans et fermentées à quatre reprises. Les cigares sont également vieillis dans un humidor douze mois avant leur commercialisation. « Cette étape est capitale, il est très important de laisser le cigare reposer pour lui permettre d’exprimer toutes ses saveurs, exactement comme pour un bon vin français ou un grand whisky. Le cigare est ainsi plus doux en bouche et se consume avec harmonie. Chaque bouffée est une invitation au voyage », explique avec passion le producteur. Une fois allumé, ce cigare haut de gamme libère de délicats arômes de chocolat, cannelle et café.
En 2011, Daniel Marshall complète sa collection avec le 24KT Golden Torpedo, une vitole de grand luxe qui, comme son nom l’indique, est enrobée d’une fine feuille d’or pur 24 carats ! Il conçoit également des séries limitées, dont un cigare conçu pour être dégusté avec un verre de Glenfiddich ou un humidor taillé sur mesure pour son ami Arnold Schwarzenegger. L’homme apprécie par-dessus tout de partager et de faire vivre sa passion. « J’aime comparer un bon cigare à un feu de camp. La braise rougeoyante ressemble à un feu de bois qui crépite dans la nuit, procurant espoir et chaleur. Jadis, les hommes se rassemblaient autour du feu pour se raconter des histoires. Aujourd’hui, cette vérité ancestrale, inscrite dans notre ADN, survit à travers le cigare, qui nous offre l’occasion de nous rencontrer, de partager nos passions au clair de lune… »
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