Confinement : à New York, les aficionados s’adaptent
L’épidémie de coronavirus et les mesures de confinement obligent amateurs et cigarshops de la Grosse Pomme à se montrer créatifs.
À l’angle de la 53è rue et de Madison Avenue, au cœur de Manhattan, le Samuel Paley Park est un petit coin de paradis pour les fumeurs de cigares. On peut régulièrement y voir un aficionado s’adonner à son plaisir en lisant le journal, sur une chaise, ou en faisant quelque pas à l’ombre des gratte-ciels. En 2011, l’ancien maire de New York, et désormais candidat malheureux à la présidentielle, Michael Bloomberg, a rendu illégal le fait de fumer dans les parcs municipaux, y compris les 340 hectares de Central Park. Mais, les fumeurs de Samuel Paley Park ne sont nullement en infraction. En effet, il s’agit d’un parc privé, détenu, comme son nom l’indique, par la famille Paley, qui possède également la marque La Palina cigars et qui tolère que les New-Yorkais viennent savourer un cigare dans ce havre de tranquillité, comme l’atteste la présence d’imposants cendriers en porcelaine. « C’est une véritable oasis pour les fumeurs de cigares, il y a de nombreuses places pour s’asseoir et deux excellentes civettes à proximité, difficile de faire mieux ! », confie Mark, un habitué des lieux.
Ce square est récemment devenu un refuge plus précieux encore pour les aficionados new-yorkais. Le 22 mars dernier, le gouverneur de l’état de New York, Andrew Cuomo, a ordonné la fermeture de tous les commerces non essentiels dans l’état, ce qui, ici, inclut les cigarshops et les fumoirs. Or, la plupart des immeubles new-yorkais interdisent de fumer à l’intérieur des appartements. Savourer un cigare relève, dans ces conditions, de la gageure, et les aficionados sont contraints de se montrer créatifs.
L’heure est à la débrouille
« Bon nombre d’appartements possèdent un petit balcon, un escalier de secours ou un accès au toit, auxquels on peut recourir à défaut d’une autre solution. En dehors de Samuel Paley Park, il y a également la possibilité de fumer discrètement dans un parc municipal, quitte à risquer une amende… Globalement, chacun s’adapte comme il peut en faisant preuve d’astuce et d’improvisation. Si j’ai appris quelque chose au sujet des fumeurs de cigare de New York, c’est que là où il y a une volonté (et il y en a une !), il y a un chemin », explique Matthias Clock, de Fine Tobacco NYC, une communauté d’aficionados de New York.
Les civettes ayant toutes fermé, se pose également la question de l’approvisionnement. Là encore, quelques options permettent de s’en sortir. « Certaines civettes permettent à leurs clients de passer commande au téléphone et de récupérer leur commande à la porte de la boutique, ou de se faire livrer à partir d’un certain montant. Une autre possibilité pour les New-Yorkais consiste à passer par les petits supermarchés de quartier. Aussi étonnant que cela puisse paraître, certains d’entre eux possèdent une cave bien remplie, avec une large sélection de cigares haut de gamme pour un prix compétitif », affirme Matthias Clock.
Au sein de l’industrie, la solidarité s’organise
Du côté des commerces, justement, l’inquiétude est palpable. « Nous n’avons aucune idée de quand le conditionnement prendra fin, la seule chose que nous puissions faire, c’est donc d’attendre en espérant que cela dure le moins longtemps possible et que nous puissions ouvrir de nouveau », confie Lee Ringenheim, patron du Soho Cigar Bar, l’un des plus vieux bars à cigares de New York, célèbre pour son atmosphère art déco. En attendant, l’établissement organise une collecte de fonds pour pouvoir continuer à verser un revenu à ses employés.
« Nous avons survécu à des catastrophes comme l’ouragan Sandy ou le 11-Septembre, mais cette fois, c’est différent. Lors de ces événements, on pouvait estimer quand la vie reprendrait son cours à New York. Ce qu’il y a d’effrayant dans la crise actuelle, c’est qu’il y a tant de choses que nous ignorons », raconte pour sa part Vanessa Nastri, fille de Vincent Nastri, propriétaire de la boutique Barclay-Rex, située dans le quartier financier, tout près de Wall Street. « Je suis particulièrement inquiet pour les bars à cigares familiaux, se désole Matthias Clock. Ils constituent une part importante de la ‘culture du cigare’ à New York et sont particulièrement vulnérables aux pertes financières qu’entraînerait la nécessité de fermer pour une longue période ».
Heureusement, la solidarité s’organise au sein de l’industrie pour soutenir les petits commerces. Nat Sherman International, marque de cigare haut de gamme new-yorkaise, a ainsi envoyé gratuitement à ses distributeurs une série de kits « à emporter » destinés aux clients venant récupérer leurs cigares sur le pas de la porte, kits qui comprennent notamment un sac à fermeture hermétique, des allumettes et un coupe-cigares. Ils offrent également à leurs partenaires des réductions sur l’intégralité de leurs produits. De quoi tenir bon jusqu’à ce que l’orage s’apaise.
Guillaume Renouard, correspondant aux Etats-Unis
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