Sanctions contre la Russie : les producteurs de cigares en ordre dispersé
Alors que Davidoff et STG ont pris la décision radicale de suspendre leurs activités en Russie après l’invasion de l’Ukraine, les autres acteurs du secteur sont dans l’attentisme, voire se murent dans le silence.
« Oettinger Davidoff AG condamne l’invasion et le recours à la violence en Ukraine et soutient les sanctions adoptées par les États-Unis, l’Union Européenne ainsi que la Suisse. C’est pourquoi, après réflexion approfondie, Oettinger Davidoff AG se doit de suspendre temporairement ses activités avec la Fédération de Russie et ceci jusqu’à nouvel ordre. » La décision du groupe suisse annoncée le 7 mars à L’Amateur de Cigare a été suivie quelques heures plus tard de celle, similaire, de Scandinavian Tobacco Group (STG). « Nous condamnons fermement l’invasion russe de l’Ukraine, nous dit le groupe propriétaire des marques CAO, Macanudo et Don Tomas. Nous pensons qu’en tant qu’entreprise, nous avons la responsabilité – avec d’autres entreprises internationales – d’exercer des pressions sur le régime russe et de faire savoir clairement que nous n’accepterons pas ses actions.Par conséquent, nous avons décidé de suspendre tous les échanges avec la Russie à partir du 1er mars. »
Si Davidoff ne s’étend pas sur le volume de son activité en Russie, STG reconnaît que ses ventes en Russie représentent « une part très faible dans les ventes du groupe » et précise qu’il n’a aucun employé direct en Russie ni en Ukraine.
Attentisme
Les annonces de Davidoff et STG sont à ce jour les plus radicales prises dans le monde du cigare fait main vis-à-vis de la Russie. Alors que plusieurs grands groupes mondiaux d’autres secteurs, y compris celui du luxe, ont annoncé une suspension de leurs activités en Russie après l’invasion de l’Ukraine – LVMH, Kering et Hermès ont annoncé la fermeture de leurs boutiques -, la plupart des producteurs de cigares premium sont beaucoup plus attentistes. L’Union européenne a également décidé d’interdire les exportations de « produits de luxe » vers la Russie pour « s’en prendre au mode de vie des oligarques », ce qui concerne par exemple les champagnes français, mais pas les cigares qui sont produits en dehors du territoire de l’Union européenne.
« Il n’y a pas de business avec la Russie et il n’y a rien que nous achetons chez Poutine », déclare, laconique, Christian Eiroa, producteur au Honduras (CLE, Asylum…). Frederik Vandermarliere, président de VCF (Oliva, Nub) n’envisage pas, pour le moment, de suspendre ses exportations et assure qu’il n’y a aucune discussion à ce sujet au sein des producteurs nicaraguayens réunis dans la Chambre des tabacaleros du Nicaragua (CNT).
Le dernier chiffre connu des exportations de cigares du Nicaragua vers la Fédération de Russie datent de 2018. A l’époque, seuls 33 310 dollars de cigares avaient été exportés vers la Fédération de Russie. Les années précédentes, ce chiffre a pu être plus élevé, mais il n’a jamais dépassé les 100 000 dollars, indique une source au sein de la CNT, manière de dire que la Russie est un marché secondaire voire mineur pour le Nicaragua. « La CNT en tant que telle n’a pas statué sur ce conflit et je ne pense pas qu’elle le fera », dit une autre source du secteur sous couvert d’anonymat.
Encore plus évasive, Maya Selva confie à L’Amateur qu’elle ne souhaite pas « faire de déclarations », tout en confirmant que ses cigares (Flor de Selva, Cumpay, Villa Zamorano) sont toujours distribués en Russie à ce jour.
Silence cubain et réflexion dominicaine
En République dominicaine, c’est silence radio. Mis à part Davidoff, qui est le principal exportateur dominicain vers la Russie, les autres fabricants n’ont pas pris position. Selon nos sources, l’association des producteurs dominicains Procigar est en train de consulter ses membres sur la position à tenir.
Sollicités à plusieurs reprises par L’Amateur, Habanos S.A. et Topcigars (importateur exclusif des havanes en Russie) n’ont pas répondu à nos questions. Dans une “déclaration du gouvernement révolutionnaire” cubain, La Havane avait dénoncé, le 26 février, « la détermination des États-Unis à poursuivre l’expansion progressive de l’OTAN vers les frontières de la Fédération de Russie » et affirmé que « la Russie a le droit de se défendre ».
Laurent Mimouni (avec Roberto Mora au Nicaragua et Daniela Cruz Gil en République dominicaine)
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